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L’accés aux cours permet de suivre “L’entrainement échiquéen” du maitre international Volodia Vaisman.
Interview accordé en 1979 pour la revue « La vie de la Polytechnique »
jeudi 7 août 2008
par vaisman volodia
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Après plusieurs coups de fil, j’ai enfin trouvé l’entraîneur et maître international Volodia Vaisman, à peine revenu d’une tournée polonaise. Il a accepté aimablement de m’accorder une entrevue et me voilà, avec mon bloc-notes, dans la belle sale du club UNIVERSITATEA, devant mon interlocuteur :

Le dernier championnat national de Bains Herculanes s’est achevé par un grand succès pour vous.

A l’exception de Gheorghiu, Ghitescu et, disons, Stoica, y ont participé les meilleurs maîtres dont nous disposons à l’heure actuelle. Le tournoi a été homogène, le combat équilibré et, d’ici, des nombreuses parties nulles. Et malgré que je joue en principe en fonction d’adversaire, cette fois-ci j’ai préféré jouer à la position en insistant moins sur la préparation théorique et davantage sur la technique et l’esprit combatif. Les résultats furent en général normaux et les quelques surprises s’encadrent, elles aussi, dans la note habituelle de nos championnats.

Et pourtant, comment expliquez-vous le mi-classement des deux grands maîtres Ciocàltea et Subà ?

Aux Échecs, les titres et les résultats ne vont pas toujours de concert. A un certain moment, sur un résultat peuvent peser : l’âge, l’état de santé, la fatigue, la forme sportive, la motivation etc. Pour un certain joueur, une compétition peut représenter une simple obligation ou, dans le meilleur cas, un entraînement pour d’autres épreuves plus importantes alors que pour un autre – une question « de vie et de mort », une occasion peut-être unique de s’affirmer. D’ici, des surprises et des résultats contradictoires. Mais tout résultat s’oublie vite, c’est pourquoi aux Échecs comptera toujours la stabilité des performances et surtout…la dernière !

Comment s’est déroulé votre match pour le titre de champion contre Mikhail Ghindà ?

Comme vous le savez, nous avons joué deux parties à Iassy et deux à Bucarest. Le match s’est pratiquement décidé dans la première partie où, après une série de coups subtils, nous sommes arrivés dans une position équilibrée. Le zeitnot est alors arrivé et, avec le drapeau levé tout prêt à tomber, j’ai fait 2-3 imprécisions et… tout était fini ! Par la suite, mon adversaire n’a joué que pour la nulle dont il l’a même proposé plusieurs fois et je n’ai pas pu percer sa parfaite défense : les nulles furent ainsi consignés au 31e et au 61 e coups et, dans la dernière partie, j’ai naturellement forcé le jeu et donc perdu.

A ceux qui me demande pourquoi j’ai perdu, je peux les assurer que Ghindà est un joueur extrêmement fort, bien préparé et en plein ascension ( il remportera d’ailleurs quatre titres de champion de Roumanie et plusieurs podiums). Bien sûr, il existait une chance que j’amène le titre à Iassy mais je l’ai gâché, d’abord en acceptant la prolongation excessive de la date : aussi, le National s’est terminé le 10 Décembre 1978 et les deux premières parties du match furent programmées entre 18-21Février pour que le match démarre finalement le 1er Avril 1979, dans une période biorythmique totalement défavorable pour moi. Ensuite, je me suis limité à une préparation-maison au lieu de participer à un fort tournoi, comme l’a fait mon adversaire.

Vous prêtez une importance particulière à vos adversaires ?

Cela va de soi car on a affaire avec différentes personnalités à styles et stratégies de jeu diverses. Aussi, certains s’efforcent de jouer de leur mieux les positions sur l’échiquier, abstraction faite de celui qui est assis devant. Mais, en fin des comptes, la partie d’échecs n’est qu’un combat entre deux humains et tout joueur, qu’il le fait d’une manière délibérée ou non, ouverte ou dissimulée, doit toujours tenir compte de ses propres possibilités face à celles de ses adversaires afin de pouvoir choisir le coup ou la variante les plus efficaces. Et la connaissance préalable de son adversaire permet de mieux prévoir ses intentions, d’anticiper la direction et la stratégie de jeu choisies.

Peut-on parler d’un âge biologique propice aux grandes performances aux Échecs ?

La force d’un joueur d’échecs est une notion complexe où entrent en compte : le degré de perfection de son caractère et de sa personnalité, son état de santé et de résistance psycho-physique ainsi que son talent, sa préparation échiquéenne et son expérience des compétitions. Bien sûr, certains peuvent être plus doués que d’autres mais il est évident qu’à partir de notre apparition au monde et le contact avec notre jeu préféré, chaque joueur d’échecs ne pense qu’a s’améliorer en se lançant dans une course contre-la-montre pour atteindre un niveau de perfection le plus élevé. Malheureusement, l’être humain est ainsi fait que, pendant que certaines qualités continuent à se perfectionner, d’autres commencent à décliner en influant sur les résultats. Il semble qu’il existerait une période autour de la trentaine où tout le mécanisme fonctionne parfaitement et cela peut durer une dizaine d’années. Après cela commence un léger déclin, visible surtout après l’âge de 47 ans.

Peut-on déduire qu’à vos 42 ans votre évolution n’est pas encore finie et que vous pouvez encore viser le titre de grand-maître ?

Probablement, j’en suis même sûr que je pourrais devenir grand-maître. Mais qu’est-ce je prouverais avec cela ? Pour certains joueurs pratiques tout cela pourrait devenir l’objectif de toute une carrière mais moi j’ai encore d’autres multiples pôles d’intérêt avec des satisfactions peut-être encore plus intéressantes ! Pourquoi voulez-vous que je me tue (et qui sait combien de temps cela durera ?!) pour obtenir ce titre en me privant de ce qui me plaît et en négligeant même mes obligations de toutes sortes ? Cela ne correspond pas à ma façon d’être alors que mon credo de vie est de rester fidèle à moi-même pour pouvoir m’exprimer à fond jusqu’au bout !

Quelle est votre opinion sur « l’échange des générations » dans les Échecs roumaines ?

Les Échecs de nos jours ont une bonne base matérielle, des techniciens compétents, un système de compétitions bien mis au point, appui et intérêt croissants. Les Roumains aiment jouer aux Échecs et il est normal qu’apparaissent des nouveaux talents, voire des générations entières de jeunes joueurs et joueuses. Ils se nomment aujourd’hui : Dana Nutsu, Ligia Jicman, Viorica Ilie, Iudith Kantor, Marina Pogorevici chez les filles et Aurel Urzicà, Ion Biriescu, Parik Stefanov, Ovidiu Foisor, Adrian Negulescu chez les garçons mais , évidement, la liste est encore ouverte !

Parlez-nous de la vie échiquéenne de Iassy et de votre travail au club de l’Université.

Les Échecs de Iassy ont une ancienne et riche tradition : d’ici sont partis ou ont déployé leur activité toute une pléiade d’illustres personnalités : animateurs et vulgarisateurs des Échecs, remarquables compositeurs des échecs artistiques, maîtres réputés sur l’échiquier etc. D’environ 16 ans, avec petites intermittences, je ne fais que continuer –avec mes humbles forces – cette merveilleuse tradition. Aussi, je joue dans toutes sortes de compétitions – individuelles et par équipes, sur l’échiquier et par correspondance - , je m’efforce de transmettre mon expérience et mon savoir aux plus jeunes, j’écris sur les Échecs et sur ses pratiquants, je déploie un travail d’organisation et j’ai même composé, pendant un certain temps, quelques problèmes d’échecs. Le club sportif de l’Université fait beaucoup pour les Échecs, leurs intentions sont méritoires, nous avons un excellent groupe de joueurs et les résultats sont à la hauteur. Ma tâche est celle de tout entraîneur, à la différence près que je travaille avant tout avec leur personnalité et leur mental, ce qui est beaucoup plus difficile !

Quel est votre emploi de temps journalier ?

En grand, mes journées sont de deux sortes : normales et de compétition. Une journée normale démarre assez tôt à cause des nombreux coups de fil reçus et à donner. Ensuite, je pars au club pour résoudre, au passage ou sur place, les différents problèmes d’organisation, administratifs, méthodologiques et techniques. Les après-midi, lorsqu’on n’a pas d’entraînements au club, je m’informe, j’étudie la littérature spécialisée, j’analyse diverses positions ou ouvertures, je vérifie et commente les parties de mes joueurs et les miennes, j’élabore divers matériaux théoriques, j’écris la correspondance que je dactylographie tout seul. Une journée de compétition est moins chargée mais plus fatigante : le matin je me prépare pour la partie ou, si c’est le cas, je reprend la partie ajournée. A midi je mange sur le pouce, je me repose un peu et ensuite je pers jouer une partie qui peut durer 5 heures de travail cérébral intense suivi d’autres pour analyser une éventuelle position ajournée.

Vous travaillez beaucoup…

Aux Échecs, comme dans la vie, il n’y a pas d’autre alternative. Vous savez, certains cultivent les relations, moi je préfère travailler et, avec cela, je gagne l’amitié des gens authentiques !

 
Post Scriptum :
Consigné en roumain par Alexandre SALCEANU

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