Le hold-up communiste
dimanche 27 mai 2007
par vaisman volodia

Du sommet du chemin parcouru, je peux aujourd’hui affirmer que j’ai eu une vie assez intéressante, aussi bien par le nombre des pays visités voire de résidence que par les événements vécus. Bien sûr, les épreuves n’ont pas manqué : aussi, les atrocités de la dernière Guerre mondiale et les vicissitudes d’un camp de concentration me laissent d’abord sans père et ensuite gravement contusionné par l’explosion d’une mine qui a tué au passage deux de mes copains de jeu. Moi, j’ai eu beaucoup de chance car je me suis sorti après quelques opérations et des mois de récupération intensive.

Complètement gâchée par l’exode sur un itinéraire déchiré par la guerre, cette période de petite enfance m’a laissé des affreux souvenirs : une faim obsédante et un ventre gonflé à cause des bouillies à son de farine de maïs et à l’épluchure de pommes de terre, une hygiène corporelle attendant l’eau de pluie ou la neige fondue, des maladies traitées avec des remèdes de bonne femme et, en somme, toutes sortes d’humiliations, de douleurs et de larmes étouffées. Rescapé des horreurs de la guerre, j’ai du aussi traverser les années pénibles, entachées de toutes sortes de privations, qui ont suivi.

Après la guerre, ma mère se remarie et mon beau-père roumain nous amène chez lui.

La Roumanie est un pays bien nanti par la nature et qui possède, entre autres, des grandes plaines et un plateau entouré par la chaîne de montagnes Carpates, le fleuve Danube avec une vaste delta à trois bras, de nombreux cours d’eau et un littoral à la mer Noire. Ses agglomérations les plus importantes sont, outre la capitale Bucarest, les villes de Timisoara, Cluj, Iasi, Craiova, Ploiesti, Brasov. Entouré par ses voisins hongrois, serbes, bulgares et bessarabiens, son territoire accueille encore d’autres minorités : allemands, tsiganes, juifs etc.

Son économie s’appuyait, d’une part, sur la production de céréales, les vignes et les arbres fruitiers, l’élevage bovin et ovin et, d’autre part, l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz, l’extraction minière et la les industries métallurgique, textile, alimentaire, pharmaceutique etc.

Tout cela aurait du suffire au bonheur du peuple, si ce n’était pas la politique nationaliste d’exclusion et de harcèlement inter-ethnique, entretenue par les divers partis et organisations extrémistes. Après les épreuves de la guerre, l’ambiance devrait en principe s’améliorer mais les communistes nous ont appris qu’il y a encore pire et, de toute façon, il n’est pas si facile de changer les mentalités des gens !

Nous arrivons donc en Roumanie où je devrais passer une quarantaine d’années de ma vie. Il est donc tout à fait normal que je parle de ce que j’ai nommé « le hold-up communiste » et de ses conséquences.

Bien sûr, on ne réécrit pas l’histoire comme on ne rejoue pas la même partie d’échecs mais l’objectif de mon approche en est double :

  • d’abord, parce que les nouvelles générations ont tendance à oublier ou à négliger le contenu criminel de la doctrine communiste. On apprend ainsi d’une enquête que la plupart des jeunes suédois ne savent même pas qu’est ce que c’est le communisme : 40% croient qu’il a été un facteur de prospérité, 22% le confondent avec la social-démocratie alors que 90% ne savent même pas qu’est ce que c’était le goulag (en traduction du russe : camp de travail d’état). L’histoire nous montre que, tel un cancer social, le communisme a ravagé tout là où il s’est installé : il a anéanti des classes et des nationalités, a déplacé des peuples, a saccagé leurs cultures, a ravagé des destins et des vies. Et pour éliminer ses opposants, il a parsemé la moitié de la planète avec des camps, des prisons et des fosses communes, sans se soucier des larmes des enfants et du sang écoulé.
  • ensuite, parce qu’il existent encore de nos jours au monde d’autres dictatures de ce genre qu’il ne faut pas cesser de dénoncer et de combattre : des individus et des groupes à pouvoir absolu qui s’éternisent à travers des élections fictives ou truquées, qui transgressent chaque jour les droits de l’homme, qui affament leurs peuples, qui mettent en prison, torturent ou font disparaitre leurs opposants ou qui s’en mêlent même dans les affaires des autres pays. Bien sûr qu’il y a l’ONU et d’autres organisations internationales, l’arme de l’embargo et le droit d’intervention mais, malheureusement, les intérêts économiques l’emporte trop souvent et on trouve toujours des « démocrates » qui pactisent avec ces régimes rétrogrades et corrompus afin de pouvoir obtenir des matières premières ou des marchés pour leurs industries.

Mais revenons à notre histoire :

Les communistes ont transformé la fraude et le vol en politique nationale. Ils se sont ainsi approprié le pouvoir politique, la hégémonie idéologique, l’administration et la distribution des vivres et des biens, en accaparant toutes les fonctions importantes dans le pays. Ensuite, ils ont décidé que les richesses du pays : naturelles, industrielles, agricole, financières etc. doivent appartenir à leur parti. Pour cela, ils ont nationalisé les terres, l’industrie, les banques, tous les moyens de production et, les « capitalistes » ainsi annihilés, ils se sont même attaqués aux plus pauvres en les dépouillant de leurs maigres biens.

Et lorsqu’il n’y avait plus rien à l’intérieur, ils ont commencé à vendre et spolier les candidats à l’émigration, à voler la devise et les technologies de l’Occident.

Voyons comment cela s’est passé :

En route vers l’Allemagne nazie, l’armée soviétique instaure au pouvoir à Bucarest un petit groupement de communistes : d’abord dans une coalition avec les gouvernements libéraux, ensuite le 6 Mars 1945 sous leur propre premier ministre marionnette Petru Groza (1884-1958). Ils lancent les élections de 19 novembre 1946 mais, ce n’est qu’aujourd’hui qu’on a appris qu’elles ont été remportées par le Parti National Paysan avec environ 70%. Alors, nos apprentis politiciens inversent tout simplement les résultats en n’accordant à leurs adversaires que 32 sièges sur 349. Ce partage du pouvoir ne satisfait pourtant pas les nouveaux dirigeants qui commencent à saper les fondements des institutions libérales et à s’en débarrasser de leurs opposantes par la suppression des partis politiques et l’abdication forcée du roi. Fin 1947, l’administration, l’armée, la magistrature, les médias sont déjà épurées « d’éléments hostiles » et tous les leviers du pouvoir seront dorénavant subordonnés au parti unique. Ensuite, les communistes arrivent à mettre en place un système politique totalitaire qui présupposait l’obéissance totale et inconditionnée de l’individu en subordonnant ses droits les plus élémentaires aux intérêts du parti-état. Cette structure comportait :

  • un parti unique, avec une nomenclature auto désignée des anciens de l’illégalité et un appareil d’opportunistes disséminé partout dans le pays.
  • un appareil de propagande politique destiné avant tout à propager la ligne du parti et à faire le lavage de crâne de la population.
  • une justice entièrement asservie à la politique et aux intérêts du parti-totalitaire.
  • des organes de répression : la milice, la Securitate et l’armée, destinés à anéantir tout esprit libre ou opposant.

Si ce n’était que la volonté du peuple dont même une grande partie des membres du parti qui ne faisait que payer leurs cotisations, ce régime n’aurait pas eu autant de succès. Mais trop de gens bien placés avaient l’intérêt qu’il s’éternise. A l’intérieur de cette nouvelle nomenclature, on distinguait trois niveaux de profiteurs : l’appareil central de parti et de l’état, les principaux dirigeants de la justice, de l’armée, de la Securitate etc. ensuite leurs subordonnés au niveau des régions et des grandes villes et enfin un structure plus large d’exécutants fidèles : officiers de Sécuritate, de milice et d’armée, dirigeants des grandes entreprises, activistes de parti, grandes personnalités de la vie sociale etc.

La prospérité économique et la propriété privée étant considérées illicites, la « réussite » ne pouvait dépendre que de la somme de privilèges et de biens octroyés par sa fonction. C’est pourquoi, tous ces dirigeants n’étaient pas riches mais, tant qu’ils restaient dans le système, ils étaient mieux payés, avaient accès aux meilleures sources d’approvisionnement, pouvaient profiter de toutes les facilités pour mener une vie au moins confortable.

Nous nous installons donc à Botosani, une petite ville de province au Nord-Est de Roumanie prés de la Moldavie (l’ancienne Bessarabie), d’où sont émergées des nombreuses personnalités tels que : le prince-dirigeant de Moldavie Grigore Ghica, le poète national Mikhail Eminescu (1850-1889), les peintres Stefan Luchian (1868-1916) et Octav Bàncilà (1872-1944), l’historique et homme d’état Nicolae Iorga (1871-1940), le naturaliste Grigore Antipa (1867-1944), le musicien George Enescu (1881-1955), le mathématicien Octav Onicescu (1892-1983), le linguiste Alexandru Graur (1900-1988) etc.

Mes parents m’inscrivent à l’école primaire où j’apprends petit à petit ma nouvelle langue et, avec certains efforts, je deviens même l’un des meilleurs élèves de ma classe. Heureusement, la sainte nature s’est bien occupé de moi : doté avec une volonté farouche, une lucidité sans faille et une endurance qui croitra avec le temps, mon signe astral symbolise la réussite par la force de caractère et l’ardeur au travail.

A l’intervalle de 7 ans, mes parents me donnent deux charmantes petites sœurs, mais un père insouciant et fêtard n’est jamais arrivé à nous assurer une subsistance convenable. Mais pour un enfant rescapé des horreurs de la guerre, secoué par les épidémies et harcelé par la famine, rien ne pouvait plus me déstabiliser..

Avec une constitution robuste et un caractère de battant, j’excelle dans plusieurs sports physiques : l’athlétisme (en particulier, la lancée du poids et du disque), le tennis de table et les jeux sportifs (avant tout le volley et le basket-ball). Et, pour confirmer l’adage MENS SANA EN CORPORE SANO, j’arrive tout naturellement au jeu d’échecs.

Bon élève, je termine facilement mon lycée (1944-1955) et j’enregistre mes premiers succès sur l’échiquier en devenant même champion de ma ville, ce qui m’amène une convocation à un stage national pour les meilleurs jeunes espoirs : les cours suivis ici, avec des entraineurs spécialisés dans les trois étapes de la partie : la théorie des ouvertures, le milieu de jeu et les finales, m’ont mis sur la voie de l’étude scientifique des Échecs.

Mon niveau à l’époque n’était pas brillant, c’est pourquoi (un vieux défaut de jeunesse !), je n’ai pas gardé beaucoup de mes parties. En voici l’une de mes premières parties « sérieuses » jouée au niveau régional :

V.Vaisman - Tr. Voronca (Suceava 1955)

1. e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 g6 6.Fe2 Fg7 7.Fe3 0-0 8.0-0 a6 9.Dd2 Cc6 10.Tad1 Dc7 ?! 11.Cb3 b5 12.a3 Fb7 13.f3 Tfd8 14.De1 Ce5 15.Df2 Cfd7 16.Fd4 Tac8 17.f4 Cc4 18.Fxc4 bxc4 19.Fxg7 Rxg7 20.Cd4 Cc5 21.Tde1 e5 ?! 22. fxe5 dxe5 23.Df6+ Rg8 24.Cf5 ! (le sacrifice indispensable qui ouvre la position du Roi noir)

V.Vaisman - Tr. Voronca

24... gxf5 25.Txf5 Td6 26.Tg5+ Rf8 27.Dg7+ Re8 28.Tf1 Ce6 29.Dg8+ Rd7 ( si 29...Cf8 30.Txe5+) 30.Txf7+ Rc6 31.Txc7+ Rxc7 32.Df7+ Rb8 33.Txe5 Cd4 34.Te7 Tb6 35.Df2 Td8 36.Cd5
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