Interview pour la Fédération roumaine des échecs
réalisé en Octobre 2007
dimanche 16 décembre 2007
par vaisman volodia

Quelles ont été les vicissitudes de votre enfance pendant la Seconde Guerre mondiale ?

Né en Décembre 1937 dans la ville moldave Beltsy, je fus contraint de fuir la guerre avec ma famille en traversant tout le Sud de l’Union Soviétique jusqu’à la mer Caspienne. Et, comme beaucoup d’autres de ma génération, j’ai connu les camps et les maladies, j’ai perdu mon père, j’eus vécu les privations et les horreurs de la guerre, étant gravement blessé par l’explosion d’une mine qui a tué deux autres enfants. Heureusement, la nature m’a généreusement doué avec une résistance et une force de caractère particulières qui m’ont aidé à m’en sortir de tous mes ennuis.

Et alors, comment êtes-vous arrivé en Roumanie et ensuite dans le monde des Échecs ?

Après la guerre, ma mère s’est remariée à un prisonnier roumain. Rapatrié, il nous a emmené chez lui à Botosani, où j’ai du apprendre le roumain. A l’école, j’ai beaucoup pratiqué l’athlétisme (principalement le lancement du poids et du disque), le tennis de table et les jeux sportifs (avant tout, le volley et le basket-ball).

J’ai appris à jouer aux Échecs assez tard avec un collègue d’école mais j’ai vite progressé, étant même convoqué à un stage national de jeunes à Poiana Brasov, ce qui a tracé mon avenir. Et je ne regrette rien parce que aujourd’hui, à la fin de ma carrière, je peux dire que les Échecs m’ont offert une vie assez intéressante : j’ai vécu dans trois pays, j’ai visité plein d’autres et j’ai connu toutes sortes de gens avec lesquels je me suis entretenu en plusieurs langues.

Comment êtes-vous parvenu dans l’élite des Échecs roumains ? L’ascension vers la performance n’a pas été facile pour moi : d’une part, à cause d’un manque total de littérature échiquéenne, d’entraîneurs et de forts adversaires dans ma petite ville du Nord de Moldavie et, d’autre part, en raison de l’habituel barrage des « arrangements » au niveau régional. J’arrive pourtant à remporter ce championnat en 1955 et réussir mon entrée à la faculté de lettres de Iassy.

C’est d’ici que démarre ma véritable ascension : je m’impose dans les quarts de finale de 1956-57-58-60, je suis 6e dans la demi-finale de Craiova 1957, 2e dans la finale universitaire de 1959, 1-2e dans la demi-finale de Iassy et 9-11e sur 20 dans la finale nationale 1961. Depuis, j’ai participé à 14 demi-finales, 3 finales B et 15 finales nationales avec les meilleurs résultats : 6e en 1973, 3-4e en 1974 et 1-2e en 1978. Si j’ajoute les 14 championnats par équipes, j’ai joué autour de mille parties, avec un taux de réussite de plus de 80%. Je jouais enfin d’égal à égal avec les meilleurs maîtres du pays et j’étais prêt pour l’international mais la Fédération de l’époque (dirigée par un certain Francis Hartmann) avait, semble-t-il, ses préférés !

Quels souvenirs gardez-vous de la finale nationale de 1978 ?

J’ai mené longtemps le tournoi mais, battu par le dernier classé (le maître Illijin), j’ai du subir une « combine » de club. Je fus ainsi rattrapé par le MI Mikhai Ghinda, perdant ensuite le match pour le titre. De ce tournoi, je m’en souviens avec plaisir d’une position ajournée contre le maître Stanciu dont « l’équipe d’analyse » adverse a conclu comme nulle alors que moi j’ai trouvé un gain de problème !

Ça serait aussi intéressant de faire un survol de votre activité internationale !

Je me suis longtemps contenté de participer aux compétitions internes mais l’envie de me mesurer avec les maîtres étrangers m’a poussé d’organiser un petit tournoi à Iassy, devenu ultérieurement le « Mémorial Mikhail Sadoveanu » (que j’ai remporté en 1970-71-75). A travers lui, j’ai pu profiter de quelques réciprocités avec les joueurs polonais Grâce aux résultats obtenus, la fédération m’offre les tournois de Wroclaw et Budapest 1975, que je remporte avec deux normes de maître international. Je suis ensuite convoqué en équipe nationale pour un match contre l’Allemagne Fédérale à Bucarest, une sortie en Italie, la demi-finale à Crans Montana (3,5 pts./4 !) et la finale à Moscou du championnat d’Europe par équipes. Suivent les tournois de Vrbas, Halle et Sandomierz, avec de très bons résultats et j’arrive à un Elo de 2485 (le 2e après Florin Gheorghiu). Mais, d’un coup, tout s’est arrêté : aucune sélection en équipe nationale ou pour l’étranger, on ne m’invite pas au tournoi traditionnel de Bucarest, même pas pour la finale nationale. Selon toute apparence, j’étais mis à l’index, donc j’ai du me débrouiller tout seul en sortant à l’étranger avec mon passeport de touriste : en Pologne - Krosno et Rzeszów 1978, Bialystok 1979 (2-3e) et 1980 (4-5e), en Tchécoslovaquie - Metro Praga 1980 (3e) et 1981 (3e), en Yougoslavie - Zrenjanin 1980, Kikinda 1980 (1er) et 1981 (3e), Stara Pazova 1981 (4-5e) et 1982 (5e), Crkva 1982, en Italie - Caorle 1982 (1-4e), en Suisse - Bienne 1982, en France - Bagneux 1983 (2-8e), Val Thorens 1983 (1-2e).

Quelles seraient les raisons de cette marginalisation que vous évoquez ?

Notre vie, une carrière, les moments de réussite sont, hélas, éphémères. Mon arrivée dans l’élite des Echecs roumains a, semble-t-il, suscité des jalousies et, alors, certains envieux intéressés se sont mis à l’œuvre : qu’il s’agissait des tracasseries de mon chef de club de Iassy ou des intrigues de ceux qui convoitaient mon poste d’entraîneur ou encore des maîtres dont je prenais la place dans l’équipe nationale, qui sait ?! Ce qui est certain est que, petit à petit, je fus privé de tout. Et, même si j’ai essayé de tenir bon un certain temps, je me suis finalement rendu compte qu’il n’y avait pas d’autre alternative que de partir. Dans un premier temps, j’ai changé de club pour le « Calculator » de Gratianu, ensuite j’ai continué à jouer à l’extérieur avec mon passeport de touriste qui se trouvait à Iassy, mais il était clair que quelque chose en moi s’est cassé.

En me dépossédant du sens de mon existence : le mobile de la performance et la pratique d’entraîneur, je n’ai vu d’autre solution que d’émigrer. Bien sûr qu’on ne peut pas prendre une telle décision à la légère lorsque tu as une famille, un appartement privé et des biens accumulés dans une vie entière. Et surtout, lorsque tu mets en péril la liberté voire la vie des tiens si tu ne réussit pas !

Après quelques péripéties liés de nos passeports, tantôt délivrés tantôt retirés par la Sécuritate de Iassy, je ne peux partir que tout seul en Juillet 1984. Rentré à la maison, on réitère notre demande : cette fois-ci, nos passeports sortent uniquement pour moi et ma femme, étant obligés de laisser notre fille de 15 ans en otage. Et, malgré le fait qu’entre temps je suis obligé de m’opérer d’une hernie hiatale, nous partons à grande peine et, fin Décembre 1984, nous arrivons en France où nous demandons aussitôt l’asile politique. Bien sûr qu’au début rien n’a été facile mais, très appliqués, nous arrivons à surmonter les difficultés et surtout, avec l’intervention du président Mittérrand, à récupérer notre fille après neuf mois de séparation. Une nouvelle vie commence pour nous et, même aujourd’hui, aucun de nous ne regrette rien…

Est-ce que vous êtes ensuite difficilement rentré dans le circuit international ?

Pour gagner ma vie, je fus obligé de faire un peu de tout : entraîner, écrire et surtout jouer beaucoup et toutes sortes de tournois, opens, matches, marathons, simultanées etc. De tout cela, je peux relever environ 70 de compétitions individuelles plus importantes, avec un taux d’environ 72% :

  • des victoires dans des nombreux opens
  • la 3e place et norme de GMI à l’Open mondial de Montpellier 1985
  • victoire et une 2e norme de GMI à Sofitel Masters de Montpellier 1987
  • la 5e place au National d’Epinal 1989
  • victoire dans le Masters Montpellier 1992
  • deux secondes places et six titres de champion vétéran entre 1998-2007.

Avec les deux normes acquises en tournois fermés, je pouvais aisément devenir grand maître mais il fallait pour cela sortir à l’étranger, en abandonnant ainsi mon poste d’entraîneur qui nous faisait vivre.

Où et comment avez-vous démarré votre activité d’entraîneur ?

Lorsque je fus dépêché en 1959 comme professeur dans un village sans électricité du Nord-est de pays, j’ai du beaucoup espacer mes participations aux tournois. C’est pourquoi, après trois années d’enseignement, j’ai décidé de quitter l’Éducation nationale. Et, lorsque le club de Iassy m’a proposé le poste d’entraîneur, je me suis aussitôt inscrit pour passer les examens et obtenir le diplôme nécessaire. De cette façon, j’avais davantage de temps pour me préparer et me perfectionner, aussi bien en tant que joueur qu’entraîneur : aussi, je suis devenu maître international en 1975 avec un Elo de 2485 et passé dans la période 1969-77 tous les degrés du métier d’entraîneur, avec une inspection finale du maître Petre Seimeanu notée 10/10 + un mémoire « L’ajournement, l’analyse et la reprise des parties d’échecs » publié en 7 numéros (4-10/1976) de la Revue roumaine des échecs. Professionnellement, dans toute cette période, je me suis occupé des clubs « Médicine » (1969-75) et « Université » Iassy (1976-79), des équipes « Vointsa » Suceava (1981-82) et « Calculator » Bucarest (1980-84) ainsi que de quelques stages nationaux pour les jeunes (1980-84)

En quoi consistait votre travail d’entraîneur en France ?

En arrivant à Montpellier avec une telle carte de visite, j’ai eu la chance d’obtenir un contrat au service des sports de la ville, qui m’a été renouvelé pendant 18 ans jusqu’à ma retraite fin 2002. Les premières années furent pour moi plus difficiles car je devais aller en simple animateur d’une école à l’autre. Plus tard, j’ai obtenu un petit local où sont passés durant des années des milliers d’enfants. En fonction de demandes, je m’occupais davantage de certains jeunes, alors que d’autres sollicitaient même des cours privés. J’ai formé ainsi des nombreux bons joueurs dont ma plus belle réussite reste Sophie Millet, multiple championne de jeunes et devenue plus tard championne de France et grande maître avec un Elo autour de 2400. La fédération m’a ensuite invité pour donner des cours de perfectionnement et, après l’avoir représenté à l’occasion d’un séminaire franco-allemand de Stuttgart 1993, j’ai été nommé directeur de la formation des entraîneurs. Avec ma nouvelle diplôme d’entraîneur - formateur 2, j’ai piloté entre 1993-2002 une dizaine de stages, avec 122 nouveaux entraîneurs et accordé des équivalences à une dizaine de maîtres et grands maîtres internationaux. Ayant carte blanche de la part de la fédération et n’oubliant pas quelles inepties j’ai du apprendre pour passer mes examens d’entraîneur roumain, j’ai essayé de former nos candidats pour le vrai métier d’entraîneur.

Vous êtes donc en polémique par rapport à l’approche traditionaliste du concept ?!

Ma conception d’entraîneur et de formateur s’appuie sur le fait que les Échecs sont suffisamment de complexes pour que l’on ne gaspille pas son temps avec d’autres disciplines (qui peuvent éventuellement être étudiées séparément). Je sais qu’en Roumanie des nombreux entraîneurs ont été formés d’après les anciens canons des sports physiques. Mais n’oublions pas que les Échecs sont une discipline à part et ce n’est qu’en s’éloignant des rigidités de l’École nationale d’entraîneurs que la Fédération roumaine pourra mieux former et perfectionner ses véritables spécialistes. D’ailleurs, c’est pas normal et ça ne servirait à rien qu’un simple connaisseur en biologie, anatomie, physiologie etc. puisse devenir de jour au lendemain entraîneur d’échecs. De plus, la diversité des types d’entraîneur d’échecs est plus importante que dans beaucoup d’autres disciplines, à savoir :

  • l’animateur - organisateur d’un groupe ou d’un club.
  • le pédagogue qui travaille avec des enfants.
  • le maître - coach d’une équipe.
  • le maître - consultant en théorie.
  • le spécialiste - chercheur en méthodologie échiquéenne.
  • le grand - maître sollicité pour des préparations ponctuelles.
  • le maître - entraîneur qui s’occupe de tout dans un club etc.

entre toutes ces « spécialités » existant bien évidemment des nombreuses interconnexions.

Cela va de soi qu’on ne peut pas affirmer qu’un type d’entraîneur soit supérieur à un autre car tout dépend de la personnalité et de l’efficacité de son travail. Même un tout petit animateur qui sait insuffler la passion des Échecs à des milliers d’enfants mérite tout notre respect, tout au moins qu’un entraîneur émérite qui a formé quelques champions ou a mené son équipe à la victoire. Le plus important est que chacun trouve sa place, comme un maillon d’une immense chaîne visant la détection, la formation et le perfectionnement des futures générations de joueurs d’échecs.

Vous avez été l’un des participants les plus réguliers de nos championnats par équipes. Voulez-vous nous faire part de quelques clefs du succès dans ce domaine-là ?

Depuis l’époque que je dirigeais l’équipe de Iassy en tant qu’entraîneur - joueur, je me suis habitué avec l’atmosphère et la façon de jouer par équipes. Sur ce même thème du capitaine d’équipe j’ai d’ailleurs publié un article intéressant dans la Revue roumaine des échecs n°9/1982, que je vous recommande à lire.

Redevable en quelque sorte à mon président de club Jean-Claude Loubatière (devenu ensuite président de la fédération), je fus longtemps son meilleur joueur censé d’obtenir des résultats. Ainsi, en partant de presque rien, notre équipe a joué six saisons en 2e et tout autant dans la 1e division, nous fûmes finaliste en 1988 et deux fois vainqueurs de la Coupe de France en 1989 et 1997. Il m’a fait aussi jouer dans l’équipe de France : un match contre Suisse en 1986, un autre contre la Catalogne en 2000 et dans la Mitropa Cup 1987, avec un total de 6,5 pts/9.

Vous pratiquez aussi les rapides et le blitz, quel est votre avis sur ces types de jeu ?

Inexistantes à l’époque en Roumanie, les opens rapides sont en revanche très populaires en Occident. Et, comme gagner un peu d’argent dans une seule journée n’était pas à dédaigner, j’ai du me familiariser avec les cadences pratiquées et la technique de jeu adéquate. Je peux même me vanter que j’excellais dans ce genre d’échecs puisque j’ai joué entre 1985-2004 environ 90 d’opens rapides, avec deux titres de champion de France et un taux général de 80%.

En ce qui concerne les blitzs, je les considère comme une forme attractive des Échecs mais qui, pratiqués exagérément, ne peuvent que déformer le style et faire baisser la force de jeu. Sauf si, entre temps, on est devenu grand maître ! Personnellement, je les ai pratiqués toujours avec modération et les résultats dans le peu de compétitions que j’ai joué ont été toujours bons, dont même un titre de champion régional.

Il y a peu de joueurs à table qui sont en même temps attirés par les problèmes et le jeu par correspondance. Comment se sont-elles combinées chez vous ces deux passions ?

Mon attirance vers les Echecs artistiques date dès mes années d’étude à Iassy lorsque je passais des heures devant les positions proposées par mon mentor Paul Leibovici. Sous son impulsion, j’ai même composé quelques problèmes et études dont certaines furent publiés et un mat en 3 coups a reçu le 4e prix dans un concours de la revue PROBLEM de 1959. A la disparition du grand problémiste, sa femme m’a mis à la disposition son archive, ce qui m’a permis de rédiger une plaquette avec ses meilleures créations pour être publiée comme supplément dans le « Bulletin problémistique » n° 5/1977. A mes yeux, si certaines positions artistiques peuvent contribuer à développer notre perspicacité combinatoire et les études analytiques notre technique de finale, les autres types de problèmes (hétérodoxes et féeriques) ne font que nous éloigner de l’essence du combat sur l’échiquier où, n’étant condamné d’avance, l’adversaire n’a aucune intention de collaborer, bien au contraire !

Après mes études, lorsque je ne pouvais plus me déplacer aux compétitions à cause de mon professorat à la campagne, j’ai commencé à jouer par correspondance, même avec des bons résultats : 1er dans ma première demi-finale du championnat national 1963/64, 1-2e dans les finales de 1965/66 et 1970/71, champion en 1966/66 et 1968/69. J’ai aussi joué dans un match contre la France en 1965/68, dans une demi-finale du championnat du monde 1968/69 (avec une victoire contre Yivo Ney et en dépensant mes dernières économies dans une victoire contre un joueur australien) et avec mon équipe de Iassy dans la demi-finale et la finale de la Coupe Evrard-Delannoy (1973/74).

Quelles grandes figures échiquéennes de Iassy sont restées dans votre mémoire affective ?

Dans le grand centre universitaire de Iassy ont vécu et déployé leurs activités toute une série de personnalités échiquéennes, en commençant avec : Victor Costin, Mikhail Sadoveanu, Paul Leibovici, Octav Costàchel, Aurel Lernovici, Traian Ichim, Anatole Ianovcic, Milu Milescu, Sergiu Samarian etc. et dernièrement : Ion Moisini (avec lequel j’ai collaboré un certain temps), Margareta Perevoznic, Ovidiu Foisor, Gabriela Olàrasu et bien d’autres.

Homme de plume, comment avez-vous continué votre activité d’écriture en France ?

J’ai toujours aimé la poésie, l’expression écrite, le mot juste, ce qui m’a poussé à suivre une faculté de lettres et côtoyer les personnalités littéraires amateurs d’échecs. Comme vous les savez bien, j’ai beaucoup écrit pour la Revue d’échecs roumaine au temps de Valeriu Chiose, j’ai même collaboré à quelques publications étrangères et écrit un livre « Une idée traverse les ouvertures » (Bucarest 1983). Si on acceptait encore mes articles et on m’a publié (assez tardivement) mon livre c’est parce que certaines personnes préféraient que j’écris plutôt que je joue…

A mon avis, pour écrire il faut avant tout des idées, les mots on peut les trouver dans les dictionnaires. C’est pourquoi, au fur et à mesure de mes progrès en français, j’ai continué à collaborer à la revue « Europe Echecs » (1985-86), ensuite j’ai élaboré une série de cours dans le cadre du Plan national d’entraînement de la Fédération française (1987-88), j’ai eu ma rubrique dans le magasin fédéral « Échec et mat » avec plus de 50 article dans la période 1995-2005, enfin j’ai publié trois livres : « Stratégies de jeu en début de partie » (2000), « L’intermède logistique début-milieu de partie » (2001) et « Stratégies de jeu positionnel en milieu de partie » (2002). J’ai encore d’autres nombreux manuscrits (articles et livres) dont j’espère avoir le temps et l’opportunité de le faire connaître.

Est-ce que l’ordinateur est ou non votre ami ?

L’informatique et ses nombreuses facilités sont probablement la plus grande découverte de la communication humaine. Je m’en sers bien volontiers de ses atouts et, de point de vue échiquéen, j’apprécie avant tout la fonction de mixeur des informations. En revanche, je pense que trop jouer et s’entraîner sur l’ordinateur peut nous éloigner des spécificités des Échecs humaines qui s’appuie principalement sur la psychologie et l’intuition.

L’âge d’or est-il concevable avec une activité échiquéenne prolongée ?

Ceux qui croyaient m’avoir « enterré » en Roumanie se sont grandement trompés. Car, ne pas succombant à la persécution communiste et réussissant à m’intégrer ensuite dans la société française, je peux affirmer que les années passées ici ont été les plus productives de ma vie. La grande chance de ma vie a été une famille unie et solidaire, avec une vie conjugale de plus 40 ans et une fille extrêmement réussie : multi- diplômée, assistante universitaire avec un doctorat en préparation, mariée à un prof. d’informatique avec lequel elle a une petite fille de 10 ans et un garçon de 14 ans.

Depuis quelques années, j’ai pris ma retraite mais je n’ai délaissé qu’une partie de mon occupation favorite. Il est évident pour moi qu’au fur et à mesure que l’érudition et l’expérience augmentent, que la force de jeu et les performances diminuent. Les deux ne peuvent pas aller longtemps et au même niveau ensemble car le maître est, par définition, un exterminateur alors que l’entraîneur est, avant tout, un pédagogue. Cela est aussi une problème de mentalité : égoïsme et préparation secrète contre altruisme et partage des connaissances. C’est pourquoi, je considère qu’il ne faut pas continuer la performance jusqu’à la vieillesse extrême, d’abord, à cause de la tension qu’un organisme âgé ne peut plus supporter et, ensuite, parce qu’un ancien grand joueur a d’autre chose de mieux à faire : transmettre son expérience aux jeunes générations. Mais rassurez-vous, j’ai encore beaucoup de projets : je me permets de jouer de temps en temps une petite partie avec l’équipe de mon club, ensuite je ménage mes nerfs (malgré les nombreuses demandes d’entraîner) mais, par contre, je continue à écrire. Aussi, j’ai déjà tout prêt sur mon ordinateur une livre : « Stratégies d’attaque en milieu de partie » et je prépare un site : contact@chesstraining.fr où je présenterais mes livres, ma carrière, mes meilleures parties, un recueil d’aphorismes et une méthodologie de l’entraînement échiquéen. Naviguer entre plusieurs passions ne peut être que sain et équilibrant car, lorsque j’en ai assez de l’une, je peut revenir à une autre.

Je serais ravi si cet interview a réussi ramener sur un spot de lumière l’une des figures importantes des Échecs roumaines ! Je vous remercie et je veux profiter de cette occasion pour saluer aussi mes anciens élèves et coéquipiers, ainsi que tous ceux qui m’ont gardé un bon souvenir.

Post Scriptum :
par Dinu-Ioan Nicula