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L’accés aux cours permet de suivre “L’entrainement échiquéen” du maitre international Volodia Vaisman. |
Pendant une vingtaine d’années consacrées au jeu d’échecs, ma vie n’a pas été toujours de toute facilité car, à la pression socio-politique s’ajoutaient les problèmes quotidiens dont la recherche permanente de l’essentiel vital. Notre fichue de vie est devenue un long fleuve de pénuries humiliantes qui pesaient sur ma condition de sportif de haut niveau : réussir à garder sa santé, arriver à se préparer, faire des compétitions, se concentrer sur l’échiquier etc. est devenu encore plus dure que le jeu lui-même. C’est pourquoi, je n’arrivais pas à rivaliser avec les « protégés » du Parti qui bénéficiaient de toutes les conditions nécessaires plus les meilleures compétitions.
Et pourtant, ce prime parcours roumain a eu ses réussites, c’est pourquoi il est important de faire un succinct compte rendu :
L’activité compétitionnelle : A partir de 1957, lorsqu’à 19 ans j’ai commencé à m’occuper plus sérieusement des Échecs, j’ai joué environ :
Quant à mon Elo FIDE (code 600296), j’ai démarré en 1967 avec 2328 pour arriver en 1976 à 2492 (le 2e en Roumanie après le GMI Florin Gheorghiu) ; ensuite, entre 1977-1989, j’ai oscillé entre 2455-2422 pour descendre en France jusqu’à 2353 en 2008.
Aux appréciations déjà insérées, j’ajoute encore quatre qui, évidemment, m’ont fait beaucoup de plaisir :
L’activité d’entraineur : Enseignant de formation, j’ai passé les examens d’entraineur d’échecs en 1969 et je fus aussitôt embauché à plein temps. Ensuite, compte tenu de mes résultats avec les joueurs et les équipes que j’ai entraîné, après les inspections des organes sportifs, les examens passés et les travaux publiés, je fus promu du 4e degré (1969) au 3e (1971) ensuite au 2e (1973) et enfin au 1er (1975).
Professionnellement, j’ai participé dans la période 1976-1981 à six stages nationaux pour le perfectionnement des entraineurs roumains. J’ai travaillé à plein temps dans les clubs : Médecine Iassy de 4 Juillet 1969 au 1er Avril 1978 et Université Iassy de 10 Avril 1978 à 31 Décembre 1979 ainsi qu’avec l’équipe du Calkulator Bucarest entre 1980-1984. J’ai également entrainé dans certaines périodes l’équipe Vointsa Suceava (qui accède en Nationale 2 en 1881/8) et l’équipe nationale de jeunes (jusqu’en 1984).
A Iassy, j’avais tout un club à gérer quotidiennement de tous les points de vue, avec une équipe de Nationale A, un groupe d’étudiants, un autre de jeunes, une équipe par correspondance etc. qu’il fallait préparer pour leurs compétitions spécifiques.
Quant aux résultats, mes équipes se sont maintenus pendant 15 ans en Nationale A dont deux titres de champions avec les jeunes et un titre au général ; ensuite, plusieurs de mes joueurs sont devenus maitres et maitres internationaux, un champion universitaire individuel en 1975, six titres jeunes en 1968, 1974, 1976, 1977, 1978 et 1980 et des nombreuses places sur le podium des diverses compétitions, ce qui a amené des sélections dans les équipes nationales de jeunes, universitaires et séniors. Notre première équipe a remporté plusieurs rencontres internationales contre les villes de Lublin, Rzeszow, Tirana etc. Enfin, nos joueurs par correspondance ont participé dans les championnats nationaux, inter-villes, d’Europe et du Monde, avec des résultats notables.
Dans un pays où chacun était plus ou moins surveillé, il y avait une habitude de critiquer à tour de bras et de prendre l’avis des autres donc des sportifs sur leur entraineur. Aussi, le porte-parole des jeunes maitres Nicolae Doroftei, que j’ai formé et qui a terminé entre temps la Polytechnique de Iassy, a envoyé en 1983 l’appréciation suivante à la direction du club :
« Volodia Vaisman est un homme d’une vaste et complexe culture car, auprès de son savoir purement échiquéen dans les domaines des ouvertures, du milieu de jeu et des finales, il possède également des multiples connaissances de psychologie et de physiologie de l’intelligence et de l’effort mental, ainsi que de la méthodologie de l’entrainement échiquéen.
Il s’est révélé un pédagogue hors pair qui savait, comme personne d’autre, où et quant faut-il intervenir sans vexer le sportif et sans se prévaloir de ses mérites de maitre international. Il agissait souvent, non seulement en sa qualité d’entraineur, mais aussi en tant qu’un authentique ami : aussi, notre collaboration ne s’est jamais limitée qu’aux Échecs mais on a souvent parlé de nos problèmes personnels tout en essayant de venir au bout des difficultés de la vie quotidienne.
Il ne faisait généralement usage de fermeté que lorsqu’un joueur mettait son propre intérêt devant celui de l’équipe ou du club. Ses raisonnements sont à la fois souples et larges, didactiques et justes, son approche est franche et généreuse à condition d’être respecté, aussi bien humainement que moralement, ce que j’ai l’impression que certains n’ont pas toujours compris.
En tant que entraineur il n’est jamais intervenu d’une façon destructrice dans la formation de la personnalité (et non seulement) échiquéenne de ses joueurs, il nous a pas bridé ou imposé des limites que pour pouvoir mieux valoriser nos qualités et circonscrire les éventuels effets nuisibles de nos défauts. Il n’est en principe motivé que pour ceux qui veulent vraiment travailler parce qu’il considère qu’aux Échecs le perfectionnement est inconcevable par des moyens coercitifs. Ajoutant à cela sa force de jeu extraordinaire, personnellement je le considère comme le meilleur entraineur du pays ».
L’activité de publiciste : Littéraire de formation, j’ai toujours préféré m’exprimer en écrit, là où mon esprit perfectionniste peut mieux se manifester. Aussi, j’ai collaboré à plusieurs publications de spécialité telles que : Europe Échecs, l’informateur Yougoslave, The Chess Player, El Rey Argentino et surtout La Revue d’échecs roumaine ainsi qu’à quelques rubriques de journaux..
La Revue d’échecs roumaine à commencé par publier en 1976 mon mémoire d’entraineur 1er degré « L’ajournement, l’analyse et la reprise des parties d’échecs » en sept numéros (n° 4-11), ensuite pendant deux années (1977-78) je n’ai leur rien envoyé pour qu’entre 1979-83 notre collaboration devienne plus intense avec deux voire trois articles par mois. En tout, ils me publieront environ 80 articles, sans être jamais rétribué car la revue était déficitaire et cela servait avant tout à mon prestige de joueur et d’entraineur. Depuis 1984, lorsque j’ai cessé notre collaboration, la qualité de cette revue s’est fortement dégradée.
A partir de 1983, j’ai commencé à écrire pour « Europe Échecs » : aussi, outre des parties commentées à l’occasion et certains interventions techniques, j’avais aussi une rubrique dans leur « petit cahier » avec en tout d’une vingtaine d’articles publiés. Auprès de mes prix dans les tournois, c’était pour moi une importante source de valute qui finançait mes sorties de Roumanie.
En 1983, j’ai réussi la performance de publier un livre de 400 pages « Une idée traverse les ouvertures » qui s’est vendu en quelques semaines mais, comme la maison d’édition était d’état, mes indemnités furent insignifiantes.
L’activité d’organisateur : En tant que professionnel dans un milieu d’amateurs, j’organisais à Iassy presque tout : simultanées, détection de jeunes talents, interventions et négociations de toutes sortes, déplacements, relations internationales etc.
Entre 1969-74, nous avons organisé cinq éditions du tournoi Médecine Iassy en le transformant ensuite en un « Mémorial Mikhaïl Sadoveanu » , où se sont formé plusieurs générations de forts joueurs. Après mon départ en 1980 au club Calkulator et en 1984 de Roumanie, l’organisation de ce tournoi fut continuée un certain temps par d’autres, pour être reprise il y a pas longtemps par une nouvelle génération de passionnés des Échecs.
Je fus aussi longtemps le président de la ligue de Iassy, coopté quelque temps dans le Comité Directeur de la Fédération et vers la fin dans le Collège central des entraineurs.
Je suis devenu arbitre d’échecs en 1968, pour avancer ensuite jusqu’au 1e degré mais je m’occupais surtout de compétitions locales et régionales car, dans les plus importantes, j’étais le plus souvent engagé personnellement ou avec mes équipes.
En France arrive donc un fort maitre international d’environ 2400 Elo doublé d’un entraineur expérimenté à 15 ans de pratique au plus haut niveau mais ayant aussi de compétences dans des domaines adjacentes : journalistique, organisation, formation, arbitrage, Échecs par correspondance, composition artistique etc. Mais la véritable question qui se posait était : est-ce que les clubs d’échecs de Montpellier et, éventuellement, la Fédération étaient assez intéressés pour profiter de toutes ces compétences ?!
En quittant la Roumanie, j’ai laissé une forte Fédération d’échecs qui était subventionnée par l’état, un système de compétitions parfaitement structuré, un exceptionnel vivier de talents car presque tout le monde y jouait, une élite se vouant confortablement à son art et un grande nombre de spécialistes travaillant de concert pour la gloire des Échecs roumains. Les résultats furent à la mesure des efforts et des moyens fournis et ils pouvaient être beaucoup meilleurs si la politique ne s’en mêlait pas...
En ce qui concerne les Échecs français, j’ai personnellement connu quelques joueurs français à l’occasion des compétitions que l’on a jouées ensemble. Mais, en m’installant en 1985 en France, j’ai trouvé ici un pays échiquemment sous-développé. Et, plus je pénétrais dans le système, plus j’étais choqué par les usages autochtones : les nombreux bénévoles avec leurs luttes permanentes pour le pouvoir fédéral ou local, des maitres talentueux qui n’arrivaient pas à vivre de leur métier, des clubs qui n’avaient aucune politique à longue terme, des organisateurs d’opens préoccupés pour obtenir des subventions et à récolter les taxes d’inscription, enfin, une obsession permanente pour jouer tout le temps, ce qui bouffait toute idée de se perfectionner alors que le peu de préparation se faisait, çi et là, d’une manière plutôt individuelle et simplette.